En 50 ans de carrière, elle a séduit des millions de fans et l’aventure continue… Bienvenue chez l’une des plus grandes dames de la chanson française !
Pas moins de 35 millions de disques vendus à travers le monde, plus de 400 chansons, une trentaine de disques d’or et 50 ans de carrière ! Il faut dire que la petite Michèle, née à Pertuis dans le Vaucluse, a commencé très tôt sa brillante ascension : elle n’a que 6 ans lorsqu’elle remporte son premier concours de chant, 14 ans quand elle décroche le premier prix d’un radio crochet (devant une certaine Mireille Mathieu…) et se retrouve en première partie de Jacques Brel au Palais des Papes en Avignon. Pour les lecteurs de Nouvelle Vie, nous avons rencontré l’idole de plusieurs générations, toujours aussi blonde, toujours aussi séduisante, toujours aussi sincère… Elle nous parle de ses débuts, de ses succès, de ceux qui l’ont soutenue (à commencer par sa chère maman), de sa famille, de son fils et de son formidable combat contre la maladie, et bien entendu de ses nombreux projets…
⇐ Michèle Torr, bonjour ! Est-il vrai que la petite fille que vous étiez à 6 ans rêvait déjà de devenir chanteuse ?
Oui ! J’y pensais tout le temps, cela faisait partie de mes rêves. Toute jeune, on ne doute pas, et j’ai toujours été persuadée que j’allais être chanteuse. Bien sûr, ensuite, les choses changent, on a le trac… Mais toute petite, je ne l’avais pas ! Ma mère chantait très bien, elle organisait des petits spectacles en Provence. Et mon arrière-grand-mère chantait aussi, dans les mariages, dans les fêtes de village ! Pour revenir à Maman, Jean Nohain, qui avait une émission à Marseille, a même voulu l’engager pour venir chanter à la radio. C’est ma grand-mère qui n’a pas voulu ! Elle disait que ce n’était pas un métier convenable. Heureusement pour moi, ma mère à, au contraire, tout fait pour m’aider, elle m’inscrivait dans les radio crochets, m’accompagnait à chaque fois. Et puis il y avait Madame Viaud, une pianiste qui avait remarqué que j’avais “une voix”. Je passais mes jeudis à travailler chez elle. J’avais déjà MA pianiste à six ans, c’était formidable ! Et tout ça gracieusement, avec une grande gentillesse et beaucoup de tendresse.
⇐ Pour accompagner vos débuts, vos parents ont même quitté leur Provence natale pour Paris…
J’avais 16 ans quand j’ai signé mon premier contrat chez Philips. Il fallait enregistrer mon premier disque et c’est Maman qui est montée avec moi à Paris, accompagnée de ma petite sœur Brigitte. Nous vivions alors toutes les trois dans une simple chambre de bonne, rue Bergère, au 6e étage, sans ascenseur, eau et toilettes sur le palier… Ma mère faisait des ménages, moi, j’étais très heureuse ! Mes parents ont vraiment été extraordinaires de croire ainsi en leur fille, de se séparer quelque temps pour moi… Plus tard, dès que j’ai gagné de l’argent, nous avons loué un appartement et mon père a pu nous rejoindre. Une belle aventure quand j’y pense, tout ça pour que je réalise mon rêve, c’est énorme !
⇐ Avez-vous parfois douté de votre réussite future ?
Oui, à 14 ans… Pour avoir gagné un concours, j’ai eu la possibilité de passer en première partie de Jacques Brel. Là, j’ai douté, je voyais un monument sur scène, c’était fabuleux comme il se donnait, vraiment extraordinaire. Du coup, je n’étais plus certaine, en le voyant, d’être à la hauteur pour faire ce métier… Mais je me suis accrochée !
⇐ Une autre rencontre, Claude François…
Je suis partie en tournée avec lui et j’ai appris beaucoup en le regardant tous les soirs, en répétition et sur scène. Il était très particulier, très excessif : avec lui, ce n’était jamais le même spectacle, il était même capable d’insulter les musiciens en chantant, de changer ses paroles ! Mais j’avais beaucoup d’admiration pour sa façon de travailler, sa passion. Il aimait bien me donner des conseils : il plaisantait souvent en affirmant que je roulais trop les “r”, que j’avais trop de vibrato et que ce n’était plus la mode… C’est vrai, quand je réécoute mes premiers enregistrements, il y en avait peut-être un peu trop !
⇐ Depuis, ce sont 35 millions de disques vendus, 30 disques d’or… Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Ce que je préfère, c’est être en tournée, faire de la scène, je fais ce métier pour ça ! Le contact avec les gens est primordial. J’ai parfois eu un peu de difficulté avec le monde du show-business. Je suis un peu timide… Mais je me soigne, ça va mieux ! D’ailleurs, je ne sais pas vraiment si c’est de la timidité. Disons plutôt que je suis réservée. Je ne suis pas une bavarde, même dans le privé. Pour cela, je ressemble beaucoup à mon père, alors que ma mère était très provençale, très expansive, un peu à la “Jackie Sardou” ! Ce n’est pas que cela soit gênant, mais il m’arrive parfois d’être mal à l’aise, d’avoir envie de me retirer, de rentrer chez moi…
⇐ Vous avez été grand-mère très jeune. Parlons de votre grande famille, et de vos petits-enfants…
Je ne suis pas vraiment une grand-mère sévère ! Bien sûr, je respecte l’autorité de leurs parents, mais mes petits-enfants savent bien qu’avec moi, ils ont tout ce qu’ils veulent. Je me mets en quatre pour toujours répondre à leurs demandes ! L’été, je travaille mes nouvelles chansons à la maison, alors on se voit beaucoup, il y a de l’ambiance… Les deux dernières, Charlotte et Nina, s’adorent mais se chamaillent un peu : “C’est ma mamie ! Non, c’est la mienne !”. Et puis il y a la musique. Samuel fait de la batterie et Nina, qui va avoir 7 ans, a une voix, un beau vibrato. Elle chante comme sa grand-mère, elle dit qu’elle veut être “vétérinaire chanteuse” ! Elle m’accompagne d’ailleurs sur mon dernier disque. Quant à Raphaëlle, elle est une star dans sa façon d’être : elle a un culot incroyable, elle se met à chanter ou à danser devant tout le monde ! Charlotte, 18 ans, vient d’avoir son bac avec mention. J’ai vraiment beaucoup de chance, ils sont tous formidables !
⇐ Revenons à vous. Votre chanson “Emmène-moi danser ce soir” a bousculé bien des couples…
Ce sont les femmes qui ont fait le succès de cette chanson, elles s’y retrouvaient. Et puis, cela leur a permis de demander à leurs maris qu’ils s’occupent un peu plus d’elles ! Un chauffeur de taxi me l’a dit un jour : “Vous savez, j’ai des problèmes à cause de vous : le soir, je trouve votre disque dans mon assiette et ma femme me demande de l’emmener danser !”.
⇐ De votre côté, avez-vous été heureuse en couple et en famille ?
Avec Jean Vidal, oui, nous avons été très heureux pendant 22 ans ! Il y a eu un moment de tourmente au moment du divorce, mais nous nous sommes retrouvés après. Nous passions les Noël et les anniversaires ensemble, c’était une vraie famille. Il a reconnu mon fils Romain (né de l’idylle de Michèle avec le chanteur Christophe N.D.L.R.) et, avec lui comme avec notre fille Émilie, il a toujours été un papa formidable, exemplaire. Finalement, la plus belle période de ma vie, ça a été d’attendre mes enfants ! Enceinte de Romain, je jonglais avec ma carrière, ce n’était pas toujours facile… Ensuite, dès que je partais en tournée, je les emmenais toujours avec moi, tant qu’il n’y avait pas l’école. Bien sûr, je n’étais pas là tous les soirs, je m’en veux parfois mais c’était comme ça !
⇐ On vous sait très entourée par votre famille ou votre public… Avez-vous des moments de solitude ?
Vous savez, c’est énorme et primordial, la famille… Mais je suis aussi très solitaire en dehors de ça. Je fais tout toute seule, et je vous avoue que cela me manque de ne pas passer des moments avec des amies, “entre filles”, je ne connais pas ça. Peut-être à cause de ma carrière que j’ai commencée très tôt, ou peut-être est-ce tout simplement ma nature… Je passe des moments très entourée de par mon métier, mon travail. Mais en dehors de ça, je suis souvent seule chez moi, lorsque je me balade, que je fais du shopping. Cette solitude, en fait, j’en ai besoin et je la regrette en même temps ! Mais j’aime bien rêver, gamberger, à une nouvelle tenue que je vais porter sur scène, à une nouvelle chanson, un nouveau spectacle, à mon jardin, à des nouveaux plans pour la maison. J’ai toujours eu besoin de cette part de rêve !
⇐ Vous avez écrit une très belle chanson pour Sœur Emmanuelle que vous admiriez beaucoup. Pensez-vous que la société manque aujourd’hui d’une certaine générosité ?
Oui, beaucoup, c’est une drôle de période. On dit “j’ai 5 000 amis sur Facebook” et on ne connaît même pas son voisin ! Ça me choque.
Moi, au contraire, j’aime mon métier pour les rencontres avec le public. On parle, on me confie des choses, les gens en ont besoin et cela me va bien. J’apprécie ce contact avec les gens. Autant je suis solitaire, autant lorsqu’on m’interpelle dans la rue, je prends toujours mon temps pour écouter. C’est un peu la maladie du siècle de ne pas communiquer simplement comme ça.
⇐ Votre fils Romain est malheureusement atteint de sclérose en plaques. Il a fondé une association…
Romain avait envie d’agir. Au début, il voulait aider directement les malades mais nous nous sommes rendu compte qu’il y avait déjà beaucoup d’aide. Finalement, nous avons décidé d’aider la recherche, et plus précisément le Professeur Jean Pelletier de l’Hôpital de la Timone à Marseille. Un premier concert, l’année dernière, nous a permis de lui remettre 22 000 euros. Cette année, ce seront 30 000 euros, les gains de notre dernier concert du mois de juin à Pertuis, la ville où je suis née. On va essayer de donner l’habitude au public de revenir écouter chaque année tous ces artistes qui se produisent bénévolement, Hervé Villard, Henri Giraud l’imitateur de Coluche, Michel Lebb, Stone, Claude Barzotti… Le résultat de cette action : un nouvel IRM qui permet d’aller encore plus loin dans la recherche. Mon fils Romain est très impliqué, très heureux d’agir. Et de le voir heureux là-dedans, c’est aussi très important pour moi…
⇐ Vous êtes toujours aussi belle, épanouie et confiante ! Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs et lectrices seniors pour vous suivre sur cette voie ?
Le moteur, c’est de garder l’envie de faire ! Moi, c’est de chanter mais cela peut être l’envie de voyager, de faire son jardin… Se lever le matin avec l’envie ! Et puis, il faut s’accepter : le corps change, tout change, on ralentit c’est sûr mais c’est comme ça, il y a d’autres plaisirs, les enfants, la famille… Il faut surtout s’accepter avec ces changements, accepter ses rides ! Et ne pas vouloir à tout prix paraître plus jeune. S’entretenir, oui, mais sans tomber dans l’excès.
⇐ À propos d’envie, quels sont pour finir vos prochains challenges ?
Il y en a beaucoup ! Je travaille avec Guy Matteoni sur des nouvelles chansons de Charles Aznavour, d’Alice Dona ou encore de Charles Dumont… Nous enregistrerons en septembre. Je pars ensuite, en octobre, avec la tournée “Rendez-vous avec les stars”. Plus cinq spectacles différents l’année prochaine ! Un Olympia le 11 janvier, Las Vegas au mois de mai (cela me réjouit beaucoup, ce sera extraordinaire !), le Trianon avec un nouveau spectacle là encore, puis le Casino de Paris, et enfin le Palais des Congrès avec un orchestre symphonique… Voilà, je me suis vraiment bien reposée cet été et j’ai vraiment hâte de repartir sur scène ! l