Rencontrer Marion Game, alias Huguette dans Scènes de Ménages, c’est comme prendre un bain de vie : on en ressort avec l’envie retrouvée d’aller au bout de nos rêves !
Une jolie petite maison au calme de la banlieue parisienne, un, deux… puis trois chiens (et quelques chats !) pour nous accueillir, et le sourire charmeur de cette artiste pas comme les autres… Avec Marion, la vie va à cent à l’heure. À peine branché le magnétophone pour ne rien perdre de cette interview, c’est toute l’histoire de sa vie qui défile, son enfance difficile, ses amours, ses enfants, ses succès, ses galères, mais surtout cette incroyable volonté de ne jamais abandonner, de se battre pour ce qu’elle sent vibrer depuis toujours au plus profond de son âme. Marion Game a toujours voulu être comédienne : mission réussie, mais que de combats pour y parvenir ! Cette épopée, que l’artiste à récemment couchée sur le papier dans un livre d’une rare sincérité, en voici quelques “scènes” qu’elle nous livre sans fard et sans maquillage. Une bien belle rencontre…
⇐ Les hommes ? Ils ont un sens inné de la possession !
Si tout à coup votre cœur bat, ils s’en servent. Ils manipulent, ils deviennent tortionnaires. À chaque rencontre amoureuse que j’ai eue dans ma vie, où je me suis ouverte corps et âme, il a fallu à un moment donné que je devienne chef militaire, que je récupère ma liberté de penser, d’action, parce qu’il y avait main mise. Je n’ai jamais pu supporter d’appartenir à quelqu’un, d’être sa chose qu’il puisse triturer. Et je ne suis tombée que sur des hommes qui, sous prétexte qu’ils m’aimaient, faisaient main basse sur moi. Inconsciemment, me dégager de cela, je savais que c’était la seule façon d’avancer dans la vie, de m’appartenir. Je suis sûre que beaucoup de femmes souffrent de ceci. De plus, elles n’osent pas partir parce que, souvent, elles n’en ont pas les moyens.
⇐ La personne qui m’a donné la clé de ma vie ?
C’est René Simon (acteur et fondateur du Cours Simon, l’une des plus prestigieuses écoles d’art dramatique). C’est le premier à m’avoir dit “Tu es bien, tu existes, tu es formidable, vas-y, tu en as les moyens”. Alors que jusque-là, on m’avait étouffée dans l’œuf, que ce soit ma mère, les profs, les institutions religieuses. À chaque fois que j’exprimais de la joie de vivre, de la générosité et une certaine liberté, on me cassait, partout ! J’ai, comme cela, fait “l’arbre mort” pendant des années, une vie recroquevillée où je faisais des métiers qui ne m’intéressaient pas, où la vie était dure… J’ai mis un temps fou à entrer au cours Simon, et ma vie a alors réellement commencé. J’avais 25 ans.
⇐ Une énorme corbeille de fruits devant ma loge… C’était Jacques Martin !
C’est l’homme qui a provoqué chez moi le plus de passion, le plus d’engagement. Un personnage brillantissime, plein de charisme. C’était un précurseur, un homme extraordinaire, mais qui est arrivé dans ma vie au plus mauvais moment. Ma carrière démarrait formidablement, le prix Marcel Achard chez René Simon, les professionnels qui commencent à s’intéresser à moi… Je passe une audition et suis engagée pour jouer la fille de Pierre Brasseur, je fais de la télé… Bref, tout baigne ! Sauf que la tragédie surgit à nouveau dans notre couple, car Jacques est très jaloux de mon succès. Et la question se pose à moi : qu’est-ce que je choisis ? Cet homme merveilleux, que j’aime, et avec qui la vie est divine ? Où est-ce que je fais mon boulot, est-ce que je continue à être comédienne ? J’ai fini par choisir le métier plutôt que l’homme, pour ne pas être détruite une fois de plus.
⇐ Et je rencontre celui qui sera le père de mes deux garçons
Aux côtés de Jacques Verlier, c’est une période d’accalmie. Il fait le même métier que moi, tout est plus facile. Mais là encore, un jour, la bête se réveille. Lui aussi devient vindicatif, jaloux… Sans doute ne suis-je pas très rassurante pour les hommes, trop vivante. J’ai toujours ressenti en moi un besoin de liberté totale. Cela ne m’a jamais empêchée d’être très amoureuse, mais je ne les tranquillise pas. Ils imaginent tout le temps que je vais “foutre le camp” avec un autre ! S’il n’y avait pas eu cette jalousie, nous serions restés ensemble.
⇐ Cet instinct de survie, d’indépendance, il me vient de ma jeunesse…
Élevée par ma grand-mère, nous habitions dans l’arrière-boutique de sa papeterie. Mon seul territoire était mon lit, un simple cosy, c’était mon seul luxe par rapport à la misère qui m’entourait. Cela a ancré en moi ce réflexe de me recroqueviller pour me protéger. Allongée sur le cosy, il ne pouvait rien m’arriver ! Et toute ma vie j’ai recherché ça… Les rares fois où j’allais chez ma mère, le luxe ultime était de prendre un bain. Pensez comme cela me changeait du vague évier de ma grand-mère, derrière un rideau… Encore aujourd’hui, je pense que l’idée ultime que je me fais du luxe, c’est un bain, chaud, avec de la mousse ! On ne peut pas m’offrir mieux que cela !
⇐ Ce que je dois à ma mère ?
Elle était vraiment ravissante et m’a transmis son sens artistique. Elle aurait pu faire une carrière dans ce domaine. Mais sa vie a été un tel combat qu’elle a passé son temps à survivre. C’est pour cela qu’elle ne s’est pas occupée de ses enfants, elle n’en avait pas les moyens, il fallait qu’elle s’en sorte… Par contre, j’ai été entourée “d’humains”, ma grand-mère, une femme intelligente, ma tante, brillantissime. Même dans des conditions de vie difficiles, j’ai quand même pu m’élever, je côtoyais de bonnes personnes.
Mais on peut le dire, je n’ai pas eu de maman… Ce n’est pas un jugement de ma part, je ne lui en veux pas, elle n’avait pas les moyens, c’est tout.
⇐ À l’époque, les femmes souffraient beaucoup…
Dans mon livre, tout ce que je raconte sur cette époque, les femmes qui allaient au charbon, qui travaillaient pour un “maquereau légal”, leur mari, qui prenait tout, ça existait vraiment ! Merci Madame Veil, merci Gisèle Halimi, merci à toutes ces femmes qui se sont battues pour que ça change. Autrefois, on n’était pas gâtées. Les hommes avaient fait main basse sur nous, on était leur chose, sans existence propre. Heureusement que j’ai eu toute ma vie le sens de la survie ! L’un que ceci fascinait, c’était Paul Meurisse avec qui j’ai joué 500 fois la pièce Un sale Égoïste de Françoise Dorin : il me voyait débarquer le soir au théâtre Antoine, démolie, une loque humaine. Je fermais la porte de ma loge… Un quart d’heure après, je ressortais et hop ! J’entrais en scène, l’énergie retrouvée. Quand on est comédien professionnel, on n’a pas le droit de “penser à sa gueule”. Cela m’est arrivé tout récemment avec Gérard (Raymond dans Scènes de Ménages) : le ton est monté entre nous, on s’est dit des bêtises… À la production, ils étaient épouvantés de penser que l’on n’allait pas réussir à tourner ensemble dans l’heure qui venait… Mais une fois le “moteur” lancé, on a repris notre statut d’acteur, sans aucun problème. Sous les projecteurs, pas d’états d’âme !
⇐ Sur scène, je suis comédienne. Mais dans la vraie vie, c’est impossible !
Je ne peux être que moi-même. Du coup, j’ai souvent des problèmes, surtout avec les forces de l’ordre ! Ce n’est pas parce que l’on a une casquette ou un galon que ça m’impressionne ! Finalement, je ne supporte que les rapports humains : je me rappelle, gamine, j’étais chez les bonnes sœurs à Biarritz. Il y avait eu un souci dans la classe et la Mère Supérieure m’avait sermonnée… À un moment, j’ai ouvert la bouche, juste pour lui expliquer ce qui s’était passé…
Je l’ai vu blêmir, puis rougir : “Mais vous rendez-vous compte que vous parlez à la mère supérieure ? !”. Et moi, je n’ai pas pu me retenir, je lui ai répondu “Mais… supérieure à quoi ?” ! Finalement, dans ma vie, j’ai écarté les gens comme ça, et j’ai ouvert mon cœur à tous les autres, sans discernement.
⇐ Scènes de ménages ? Une très belle aventure…
On est dans une famille hors du commun. Plus materné, plus protégé, plus dans le confort, ce n’est pas possible. La production est formidable ! C’est du talent à tous les étages, du stagiaire à la maquilleuse, en passant par les auteurs et les comédiens. Pour moi, c’est un bonheur sans faille. Le couple d’Huguette et de Raymond ? Dans la vraie vie, je n’aurais pas supporté le quart de la moitié de ce que me fait vivre Raymond dans la série ! Mais sur scène, ce n’est que du bonheur…
⇐ Aujourd’hui, j’ai un compagnon formidable !
J’ai trouvé “le même que moi” : Jean-Claude, plus de quinze ans que l’on est ensemble ! Il a le même souci d’indépendance que moi, on est né la même année, à un jour près. Nous sommes comme des jumeaux, avec une connivence, une complicité extraordinaire, les mêmes besoins, les mêmes non-besoins. On se dit tout, on est hypercomplices ! Mais on ne vit pas ensemble, chacun sa maison et on se voit quand on en a vraiment envie. Le gag, c’est notre rencontre : c’était un ami de ma fille Virginie, avec lequel elle jouait aux tarots. Quand elle a vu la vie de cet homme, quand elle l’a entendu parler, elle s’est dit : “Ça, c’est un homme pour ma mère.” Elle m’a appelée et m’a dit : “Rencontre-le, je suis sûre que vous allez vous entendre à merveille !” Bingo, elle avait raison ! Jean-Claude, je peux compter sur lui, et il peut compter sur moi.
⇐ Ce livre, c’est toute ma vie racontée sans fard
Et c’est aussi un récit sur le combat des femmes qui prouve qu’il faut tenir bon et que ce qui compte, c’est d’atteindre ce que l’on veut vraiment, d’y arriver. Si l’on est fait pour quelque chose, il ne faut jamais lâcher l’affaire. Ne jamais essayer de se consoler en faisant autre chose, ça ne marche pas ! Ce que je peux dire à vos lecteurs, c’est qu’il faut à tout prix essayer de vivre ses rêves. Beaucoup de gens subissent leur vie. Subir, ça empêche d’avancer et l’on vieillit bien trop vite ! Allez au plus près de vos rêves, même si vous ne les atteignez jamais. Continuez à les poursuivre ! l