À 78 ans, notre Nestor Burma national vient de publier son nouveau livre. L’occasion, pour Nouvelle Vie, de prendre de ses nouvelles et de vous en faire profiter. Un moment… enrichissant !
S’il est un écrivain-acteur-musicien-compositeur-chanteur pas vraiment comme les autres, c’est bien celui que nous avons rencontré pour cette nouvelle interview ! Guy Marchand nous a offert un échange à la hauteur de son tout dernier livre (qu’il a failli appeler Hommage à la futilité, d’où notre titre !), truffée d’analyses drôles et profondes sur la vie, notre société, nos amours et nos travers. Pas question d’entraîner l’homme sur une classique autobiographie ! S’il nous raconte un petit peu son enfance, ses études… c’est très vite l’énergie du moment présent qui prend le relais, mouchetée d’un cynisme et d’un franc-parler qu’il fait bon partager. Pas de fausse modestie pour l’homme à la carrière si bien remplie, pas de fausse pudeur quant à son amour pour les femmes, pour LA femme. Et pas de faux-semblant non plus quand il s’agit de parler du milieu du show-biz ou de l’intelligentsia. Non, rien que du vrai, du direct, un regard aigu et souvent acide qui se délecte de la vie, en touriste… Dommage qu’il ne nous soit pas possible de retranscrire ici l’intégralité de cette interview. Il nous faudrait une dizaine de pages tant l’artiste est loquace ! Nous vous en offrons ici quelques morceaux choisis. L’aventure continuera, pour vous, dans les pages de son Carnet d’un chanteur de casino hors saison, un livre que nous vous conseillons vivement ! Sans oublier une kyrielle de films, disques et autres romans qu’il fait toujours bon revisiter, tout comme une bonne quarantaine d’épisodes de Nestor Burma (“Nestor Burma, c’est moi !” nous avoue-t-il plus bas…), et même un tout nouveau disque de rock dont Guy est… le nouveau chanteur (toutes les infos sur www.nouvelle-vie-magazine.fr) ! Alors, elle est pas belle la vie ?
Une enfance heureuse ?
Mes parents étaient des pauvres au milieu des misérables ! J’ai vécu dans la même pièce qu’eux jusqu’à l’âge de douze ans… Un petit lit au bout de leur grand lit. Une vis simple, mais mes parents m’adoraient. Alors, même si on mange le pain de la guerre, même si l’on regarde le voisin qui a un vélo et que nous, on n’en a pas, on s’en fout. À la maison, c’était harmonieux… J’ai un très bon souvenir de mon enfance et de ce quartier populaire. D’ailleurs, quand j’y retourne, mon enfance revient, mais pas avec agressivité, avec douceur…
Le temps des études…
J’ai étudié au Lycée Voltaire, à Paris, près de la République. C’était le lycée des lumières, un lycée contestataire. J’y ai appris plein de choses. Bon, côté culture, c’était plutôt du bachotage… En science naturelle par exemple, dont le coefficient pour le bac était énorme, j’avais potassé deux choses : la cellule animale et la cellule végétale… Et vous savez ce qui est tombé le jour de l’examen ? Comparaison entre la cellule végétale et la cellule animale ! En physique, un sujet sur “les rayons cathodique” était sorti trois années de suite. Alors, que fallait-il que je fasse ? Que j’apprenne tout le programme alors que je n’avais pas été une seule fois en cours ? J’ai décidé de travailler ces fameux rayons cathodiques en me disant : ils vont être assez vicieux pour les ressortir une quatrième fois… Et j’ai gagné ! Et à l’oral… je descends du métro, en retard, je cours et, devant moi, une dame qui courrait aussi tombe par terre… Je ramasse ses affaires bien poliment. C’était en fait mon examinatrice en histoire/géo. Elle m’a demandé de lui parler de l’Italie du sud, je lui ai parlé de Milan, dans le Nord… Mais j’ai tout de même eu la moyenne ! Bref, j’ai eu le bac avec l’extrême indulgence du jury !
Ma vie d’artiste…
J’ai eu le choix, et l’énorme chance, de faire un métier d’enfant. Les grandes personnes vous savez, je ne leur fais pas vraiment confiance. Et plus je vieillis, plus ce sont les enfants qui me plaisent. Un bébé qui pleure, c’est mieux qu’un révolutionnaire. Il crie, il fait dans son pantalon… Il se rebelle contre toutes les bêtises que l’on va lui faire vivre, contre ce déluge de démagogie qu’il va être obligé de subir, le pauvre !
Ma philosophie…
C’est de la philosophie de quartier. C’est comme ma culture, je l’ai faite très tard, ce qui est un avantage par rapport aux gens cultivés “du temps de leur jeunesse” : la mienne n’est pas couverte de moisissures, elle est toute fraîche !
Face aux difficultés de la vie…
Le surf, c’est une vraie passion. Je crois même que je vais déménager du côté d’Arcachon ou d’ailleurs, car j’ai de plus en plus envie d’espace, de mer, j’ai envie de tâter de la force de la nature. Quand on est dans la mer, avec sa planche de surf, on sait ce que c’est que cette force. Et il faut alors être malin : impossible de résister à la mer, à la tempête. Il ne faut pas prendre les difficultés bille en tête, mais plutôt laisser passer… Et puis, il y a un moment de vide et… on avance ! C’est la même chose pour l’histoire : en Algérie, j’étais juste témoin de l’histoire, et j’essayais de me comporter le plus humainement possible, pour plus tard ne jamais en avoir de regrets, ou même de culpabilité. Ça n’est pas facile de lutter contre le vent, contre la mer, contre l’histoire… On peut tomber dans des pièges.
Le cinéma
Au cinéma comme ailleurs, il y a un sacré pourcentage de c… Mais ils sont moins dangereux ! Face à la caméra, nous sommes avant tout des “désennuilleurs”. Bien sûr, il y a ceux qui ont des messages… Mais pour moi, les messages, c’est l’affaire de La Poste ! Le cinéma, je m’y suis beaucoup ennuyé. C’est un métier méticuleux, il faut passer du temps… Mais il y a aussi quelques moments formidables, des rencontres : Michel Galabru, Michel Serrault, Philippe Noiret… Ou encore, lorsque l’on joue comme les enfants. Là, tout d’un coup, ce sont des moments magiques. Mais ils sont très très courts. Tout le reste, c’est de l’ennui en permanence ! Pour moi, le cinéma n’est pas une profession, c’est juste un voyage. À chaque film, c’est un petit voyage. Je ne suis pas un acteur, je suis un touriste !
Mon premier baiser sur un tournage ?
C’était Brigitte Bardot, une illumination ! Si l’on prenait Bardot dans ses bras, on avait réussi, on pouvait mourir ! D’autres rencontres ? Michel Serrault… Je suis très fier de l’amitié qu’il m’a offerte. Philippe Noiret aussi, même si c’était un personnage très exigeant, le contact amical que j’ai connu avec lui m’a comblé d’orgueil. J’avais écrit une chanson, La porte des Lilas, qui l’avait beaucoup touché puisqu’il y était né… L’estime de gens comme ça me comble d’aise ! Il y a tellement de gens qui ne m’aiment pas… (rires). Mais vous savez, se faire des ennemis, c’est vocation d’artiste, se faire des amis c’est une vocation d’épicier !
Nestor Burma…
Je vais vous faire une confidence : Nestor Burma, ce n’est pas un personnage, c’est moi ! En mourant, Léo Mallet m’a dit : “tu es mon Nestor Burma, tu es Nestor Burma !”. J’ai une tendresse énorme pour ce personnage, j’ai tout mis de moi dedans, j’ai même utilisé dans les épisodes des répliques qui m’appartenaient, comme “depuis l’invention de la poudre, il n’y a plus d’hommes courageux”… Et Léo croyait à chaque fois que c’était lui qui les avait écrites ! Léo Mallet, c’était l’un des plus grands surréalistes de la littérature populaire. Et son œuvre est de ce fait presque impossible à adapter à l’écran. Galabru et Serrault ont joué Nestor Burma mais, malgré leur immense talent, ils ne se sont jamais effacés devant le personnage.
Là, ce n’est pas la même chose : cela réclame plus de professionnalisme. Il faut chanter juste, savoir jouer de son instrument, enregistrer… Et là, c’est le plaisir non-stop ! Le métier de chanteur m’apporte du bonheur en permanence. Je viens de faire un disque, j’en ai un autre en préparation, du Jazz de Chet Baker. Et je suis depuis peu le chanteur d’un groupe de rock d’Avignon, les Kim Capone… Un truc qui défrise, et qui va être exaspérant pour beaucoup de gens, qui vont se demander “mais qu’est-ce qui lui prend ?” ! Le disque s’appelle Folk You, et sortira le 4 décembre ! Je me suis bien marré avec ces “gamins” : quand on fait la somme de leurs âges, on arrive au mien ! Mais ils sont ravis que je sois leur chanteur et on va même se produire. Bien sûr, ça ne va pas être facile mais tant pis, on va bien s’amuser ! Et la chanson…
Ville ou campagne ?
Paris ne me plaît pas. J’y suis né, j’ai sans doute beaucoup de ses hydrocarbures dans le fond de mes poumons… Mais quand je serai mort, je veux côtoyer des mouches champêtres plutôt que des mouches urbaines ! Je vis donc à la campagne, avec deux juments, deux chiennes et une chatte. Je ne veux pas vieillir avec des mecs, seulement des femelles !
Je suis un amoureux de la vie !
Et quand on aime la vie, on aime les femmes. Les femmes, c’est la vie. On sort de leurs jambes et, toute notre vie, on a envie d’y retourner. Ma maman, c’est ma première femme, c’est une paire de fesses aussi belles que celles de Sophia Lorène, qui monte une côte en se déhanchant, avec ses cheveux qui me viennent dans le nez, quand on allait au bord de la Marne… Cette vision me suivra jusqu’à la mort. L’odeur de ma maman quand elle se penchait sur mon petit lit, lorsque j’étais malade… Après, bien sûr, on aime d’autres femmes. Mais vous savez, on n’est pas des hommes à femmes, on est amoureux de LA femme. Pour moi, Don Juan était un c… Aller de femme en femme, il n’en a pas profité, il n’a pas vu ce que c’était.
Mon dernier livre
Mon livre n’est pas une biographie, c’est une réponse à la vie, une réponse à la phrase “J’ai tellement avalé de couleuvres que, si j’avais le ver solitaire, il ne le serait pas resté très longtemps !” Je l’ai écrit pour moi, pour m’éviter une analyse chez un psy ! Ça me coûte moins cher et ça va même, peut-être, me rapporter un peu de sous… Je n’ai pas la prétention de faire des ventes mirobolantes. En fait, je voulais l’appeler Hommage à la futilité… Mon livre, on l’ouvre à n’importe quelle page et il y a un truc marrant, un truc cynique ou un truc poétique…
Mes projets ?
Eddy Barclay, je l’aimais beaucoup ! C’était quelqu’un de bien. Même quand j’ai épousé son ex-femme, il m’a donné un chèque pour renouveler mon contrat et m’a dit “Tu en as besoin, tu vas voir, elle coûte très cher !” Il nous manque, Barclay ! Maintenant, les maisons de disques ne sont plus pareilles… Et il n’y a pas que lui. Aujourd’hui, je suis tout seul, ils sont tous morts. Bernard-Pierre Donadieu me manque beaucoup par exemple, c’était une vraie leçon, une espèce de Depardieu. D’ailleurs, pour moi, il reste encore Depardieu, quelqu’un qui me donne quelque chose, même si je ne le fréquente pas vraiment. Tous les autres m’ont laissé tomber, ils se sont tous évaporés. J’attends de les rejoindre. Bien sûr, j’ai des projets… Mais comme dit Jean-Pierre Marielle, mes projets c’est surtout, à court terme d’aller m’ouvrir une bière, et puis, à long terme, de mourir sans souffrir… En regardant le genou d’une infirmière quand elle ouvre deux boutons au lieu d’un !