Une vie entière

Une vie entière - Robert Steethaler - Editions Sabine Wespeiser
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Robert Seethaler

 Sabine Wespieser Editeur
18 €
Roman

Année1933. Andréas Egger, suite à une intuition, se rend chez Jean de Cornes et le trouve agonisant sur sa paillasse. Sur le chemin, en descendant le mourant au village, les deux hommes ont une discussion sur la mort, la disparition totale de toute vie, l’inexistence d’une autre vie au paradis. C’est effrayant pour les deux hommes, insupportable pour le moribond qui, pour ne pas subir ce funeste sort, se sauve et disparait dans les montagnes. Andréas va requinquer son âme mortellement effrayée à l’auberge du village. Il y rencontre la serveuse, Marie. Un regard, un sourire ; Andréas sent confusément un sentiment inconnu l’envahir. Il désire profondément cette jeune fille et l’épouse. Pour pourvoir à leurs besoins, il se fait embaucher comme ouvrier dans un chantier de construction du premier téléphérique. Le progrès, qui apporte la lumière même la nuit chez les habitants de la vallée, modifie le paysage et l’équilibre de la nature, favorise les accidents. Une avalanche va recouvrir la maison du couple, tuer Marie et, avec elle, son rêve de bonheur. Les mois passent. La vie continue. 1942, la guerre arrive…
Un livre riche et bouleversant
Que de raisons d’aimer ce livre ! Le personnage d’Andréas en est une. C’est un homme ordinaire qui, après les malheurs de son existence, continue à vivre, tout simplement, avec un toit, de quoi manger, la chaleur du soleil, la beauté de la montagne et les souvenirs du passé comme uniques compagnons. Il vieillit, en prend conscience, l’accepte avec sagesse, se félicite même d’avoir durer aussi longtemps. Ce que raconte entre autre ce merveilleux roman, c’est qu’on ne peut échapper à la mort. Elle fait partie de la vie. Andréas le sait, le crie à Jean de Cornes en fuite. La mort de Marie va rendre cette vérité encore plus cruelle. Certains passages du roman sont particulièrement touchants. Le récit de la rencontre avec Marie est un pur bonheur de lecture, tout en sobriété. Il montre la naissance du désir, la sensualité cachée, à peine perceptible. Pas besoin de mot, c’est inutile. Le corps dit tout, avec pudeur, du désir naissant. Les pages relatant la captivité d’Egger pendant la guerre ne disent elles aussi que l’essentiel : la vie, la mort, la beauté du monde et des souvenirs des êtres aimés. Enfin, il y a celles sur l’apparition de la femme Froide. La mort, puisque c’est d’elle dont il s’agit, se manifeste à Andréas lorsque les souvenirs qu’il a de Marie s’imposent, et deviennent plus importants pour lui que la beauté de la nature qui jusqu’alors le rendait heureux. Alors, il se détache des choses terrestres, lâche prise et s’éteint.
La sobriété du style est un miroir de la vie d’Andréas : simple mais puissante. L’ atmosphère poétique du roman est propice à la réflexion : des mots empreints de vérité, aucun superflu, tout en délicatesse, dans la précision, la simplicité. Avec un rythme comme une respiration régulière, apaisée, proche de l’essentiel,
Une vie entière est un de ces livres qui respire l’amour de la vie… Un livre qui vous bouleverse et vous marque profondément.

 Extraits :  :” Il était passé à la cabane de Jean de Cornes, mû par un étrange pressentiment, et l’avait trouvé recroquevillé sous un morceau de vieilles peaux de chèvre, derrière le poêle éteint depuis longtemps. Maigre à faire peur et blanc comme un linge, il le fixait du regard dans l’obscurité. Egger comprit que c’était la mort qui se planquait derrière son front. Il le prit dans ses bras comme un enfant et le posa doucement dans la hotte tapissée de mousse sèche où Jean des Cornes avait coltiné, sa vie durant, son bois de chauffage et ses chèvres blessées.”

” C’est une saloperie, la mort, dit-il. On diminue tout bêtement avec le temps. Il y en a pour qui ça va vite, d’autres qui font durer. De la naissance à la mort, tu perds un truc après l’autre : d’abord un orteil, puis un bras ; d’abord une dent, puis la denture ; d’abord un souvenir, puis toute la mémoire et ainsi de suite jusqu’à ce que t’aies plus rien. Alors ils balancent ce qui reste de toi dans un trou, un coup de pelle là-dessus et terminé.”

« Egger leva ses mains vers son visage et en examina la peau du dos, qui a certains endroits ressemblait à du lin froissé. Il vit les callosités au bout des doigts et les protubérances noueuses aux articulations. Dans les fissures, les rainures s’était incrustée une crasse que ni la brosse à crin ni le savon noir ne pouvaient venir à bout. Egger voyait les veines saillir sous la peau et, quand il leva les mains vers la fenêtre dans le clair-obscur, il vit qu’elles tremblaient très légèrement. C’était des mains de vieillard, il les laissa retomber. »

“Il avait tenu plus longtemps qu’il l’eût jamais cru possible et, somme toute, s’estimait satisfait. Il avait survécu à son enfance, à une avalanche et à la guerre. Il n’avait jamais rechigné à la tâche, avait percé un nombre incalculable de trous dans le rocher et abattu probablement assez d’arbres pour entretenir un hiver entier le feu des poêles de toute une bourgade. Il avait suspendu sa vie à un fil entre ciel et terre plus souvent qu’à son tour et, en ses dernières années de guide de montagne, il en avait plus appris sur les gens qu’il ne pouvait comprendre. Autant qu’il sût, il n’avait pas commis de forfaits notables et n’avait jamais succombé aux tentations de ce monde : les saouleries, les coucheries et la goinfrerie. Il avait bâti une maison, dormi dans d’innombrables lits, dans des étables, sur des plates-formes et même, quelques nuits, dans une caisse en bois russe. Il avait aimé. Et il avait pressenti où l’amour pouvait mener… “

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